Un matin, Marie Perennès, metteuse en scène, découvre au pied de son domicile parisien des feuilles blanches collées pendant la nuit qui affichent des messages écrits à la peinture noire. C’est l’œuvre d’un collectif de femmes qui dénonce les violences sexistes et les féminicides.
Fidèle aux habitudes de la génération actuelle des trentenaires, Marie Perennès, poste alors le collage sur Instagram en identifiant le collectif parisien.
La voilà invitée en retour, à une session de collage. Elle va alors rejoindre le collectif pour des collages nocturnes et nouer des contacts avec plusieurs colleuses parisiennes puis par la suite avec d’autres collectifs en France.
Le sujet des violences sexistes et des féminicides anime profondément Marie Perennès et elle décide avec son conjoint, Simon Depardon de donner la parole à ces femmes pour écouter ce qu’elles ont à dire et surtout pour garder une trace de leurs actions éphémères.
Au fil des repérages, la petite équipe technique composée de 4 personnes, va progressivement tisser la complicité et la confiance nécessaires pour permettre aux différents collectifs de partager intimité et quotidien.
Ils vont choisir délibérément de filmer en plans fixes avec plusieurs caméras sur trépied afin de filmer sur des temps longs, et réserver les caméras à l’épaule aux scènes de manifestations.
Pas d’interview directe face caméra non plus, afin de faire oublier la caméra le plus possible.
Simon Depardon en charge de la dimension technique et de l’équipe dira : « On cherchait la bonne distance, ne pas trop s’approcher pour ne pas venir perturber la situation et en même temps arriver à être au plus près de la scène ». Vous observerez sans doute, comment cette juste distance permet de recueillir des propos puissants de vérité qui submergeront les protagonistes.
Au fond, l’idée de nos jeunes réalisateurs est de nous montrer la réalité pour forger notre propre regard sur cette nouvelle forme de féminisme militant qui délivre un message politique engagé. Quoiqu’il en soit, avec ou sans réalisateur pour le montrer, cette action existe et se déroule dans l’hexagone.
Au total, Simon Depardon et Marie Perennès ont suivi une dizaine de collectifs et ont choisi d’éliminer au montage les rushes sur le port du voile, la pornographie ou encore l’écoféminisme pour se concentrer sur la réappropriation de l’espace public et les violences faites aux femmes.
Le sens profond de ces collages nocturnes est de rappeler que la rue n’appartient pas qu’aux hommes cis blancs. Les femmes ont pleinement le droit d’être là d’autant que 100% d’entre elles, 100% de nous Mesdames, ont de façon tout à fait banalisée déjà été harcelées dans la rue.
Ces femmes militantes prennent la parole sur une thématique que personne n’a envie d’entendre et qui est pourtant bien réelle. Il suffit d’allumer son poste de radio ou de télévision pour s’en rendre compte.
Dans ces collectifs, les personnes sont majoritairement assez jeunes, entre 18 et 25 ans. Ce sont surtout des femmes, mais aussi des personnes de minorités de genre, des personnes trans ou non binaires. Tout le monde y est accepté, de l’étudiant à la cadre supérieure, dans un fonctionnement horizontal sans cheffe.
C’est sans doute la première fois que le mot féministe est dans le titre d’un film français en sélection au festival de Cannes.
En voix, off vous entendrez la voix de Marina Foïs.
Riposte féministe est réalisé en parité et l’équipe en est principalement féminine.
Dès la sortie de ce documentaire, nos jeunes réalisateurs ont souhaité partir à la rencontre du public et des associations pour débattre et échanger partout en France.
Comme vous l’avez compris les fées se sont sérieusement penchées sur le berceau de l’un d’eux (je vous laisse deviner lequel …) avec une mère féministe de la première heure et première femme française ingénieur du son et un père monstre sacré de la photographie et du documentaire !
Avant de débuter la projection, quelques précisions langagières s’imposent :
Les militantes se désignent en terme de « colleur-euse » c’est à dire colleur et colleuse accolés ;
Le mot « iel » i-e-l est employé pour désigner une personne de façon non binaire c’est à dire en dehors des notions de féminin ou de masculin;
Enfin, le mot « cisgenre » par opposition au mot « transgenre » désigne les personnes dont le genre correspond au genre déclaré à leur naissance.
Et maintenant la parole est à Élise à Brest, Alexia à Saint-Etienne, Cécile à Compiègne ou Jill à Marseille et à bien d’autres encore.
Doris Orlut