L’Innocent, Louis Garrel

 

L’Innocent, Louis Garrel

Le film de ce soir nous invite à revoir un certain nombre de nos représentations sur le cinéaste et l’acteur qu’est Louis Garrel, je vous propose de revenir sur 3 d’entre elles.

1ère représentation : Louis Garrel est un cinéaste parisien, les films qu’il a tournés et dans lesquels il joue sont pour la plupart situés dans la capitale. Or le film de ce soir témoigne de son coup de cœur pour notre région, il a entièrement été tourné à Lyon, notamment dans les ruelles du Vieux Lyon, et dans les environs (en Isère, à Givors, à la prison de Corbas, et même dans l’Ain, aux Echets), c’est pourquoi il a d’ailleurs fait l’ouverture du festival Lumière.

2ème représentation : Louis Garrel est associé au genre de la comédie romantique, voire de la comédie musicale quand il tourne avec Christophe Honoré par exemple. L’Innocent, lui, est un film qui mélange les genres. Son point de départ est autobiographique puisque la mère du réalisateur, Brigitte SY, a animé des ateliers théâtre en prison et épousé un prisonnier, histoire qu’elle a d’ailleurs raconté de son point de vue dans un film intitulé Les mains libres. LG reprend cette histoire selon le point de vue du fils, mais sans recherche de réalisme, puisqu’il oriente le récit du côté de la comédie sentimentale et du film policier, aidé pour cela par le scénariste Tanguy Viel, auteur de romans policiers.

3ème représentation : Louis Garrel est associé à un cinéma un peu intellectuel et bobo, or il a voulu faire avec L’Innocent un film de « variété », comme on parle de chanson de variété. Vous entendrez d’ailleurs un certain nombre de tubes des années 80, dont celui qui ouvre et clot le film et qui ne manquera pas de vous coller aux oreilles quelques temps malgré vous.

Bonne séance, qui devrait donc vous permettre de revisiter l’œuvre d’un des beaux gosses du cinéma français d’aujourd’hui !

Chronique d’une liaison passagère – Emmanuel Mouret

Chronique d’une liaison passagère d’Emmanuel Mouret – 13/10/22 –

Présentation de Marion Magnard

Emmanuel MOURET est né à Marseille en 1970. Son père est antiquaire et marchand d’Art. Vous ne serez donc pas étonnés si dans ses films, les promenades des personnages les amènent souvent dans des musées où le cinéaste fait un petit flash sur tel tableau en écho à leur conversation…

En seconde au lycée, quand la conseillère d’orientation lui demande son choix, il répond sans hésiter « la filière scientifique » car il a lu dans un brochure que le bac S est très bon quand on veut faire du cinéma. Bac scientifique obtenu, son premier court métrage tourné à 19 ans, il part à Paris, suit des cours d’Art dramatique et entre à la FEMIS. Il obtient son diplôme dans la section « réalisation » en 1998.

En 2000, il écrit et réallise son premier long métrage (dont il a donné pour titre un jeu de mots « Laissons Lucie faire ») avec Marie Gillain dans le rôle de Lucie et lui-même dans le rôle de l’acteur principal car, comme Woody Allen, qui est son modèle absolu comme réalisateur et comme acteur, il assumera les deux tâches dans tous ses films jusqu’en 2010. Il s’attribue toujours un rôle de jeune homme candide et maladroit dans une sorte de marivaudage moderne, à mi-chemin entre Eric Rohmer et Woody Allen, avec une petite touche de Lubitsch.

En 2010, il choisit François Cluzet pour interpréter le rôle principal dans « L’art d’aimer » et certains estiment que ses films ont plus de profondeur quand il ne s’implique pas comme acteur. Et parmi ceux-ci, je citerai notamment « Mademoiselle de Jonquières » (double César de la meilleure adaptation et des meilleurs costumes) et le délicieux « Les choses qu’on dit, les choses que l’on fait » où Emmanuel Mouret se montre véritablement « Le cinéaste de la parole en mouvement ».

Ce n’est certes pas par hasard qu’Emmanuel a choisi Sandrine Kiberlain pour le rôle de Charlotte, car si le réalisateur est un admirateur de Woody Allen, l’actrice modèle de Sandrine est Diane Keaton. Et comme Diane dans « Annie Hall », Sandrine est irrésistible en femme libre, effrontée et aussi mélancolique. Et pour interpréter Simon, le réalisateur a choisi Vincent Macaigne, acteur multiprésent dans le cinéma français et pourtant assez peu connu du grand public. Et Sandrine nous dit avoir su dès la première rencontre qu’ils avaient vraiment « des petites musiques complémentaires ».

Et cette complémentarité de nos deux acteurs est très bien servie par la photographie lumineuse de Laurent Desmet, une musique mozartienne entrainante pour les moments de mélancolie, une musique de Poulenc…

Avec amour et acharnement, Claire Denis

 

Avec amour et acharnement, de Claire DENIS – 22/9/22 –

Présentation de Marion Magnard

Claire DENIS, petite-fille du peintre Maurice DENIS, dont elle a gardé le patronyme, est née en 1946 à Paris où sa mère était venue accoucher près de sa famille. Mère et fille sont parties ensuite rejoindre le mari et père en Afrique où il est administrateur civil dans ce qui était alors les Colonies françaises. Partisan de l’indépendance des pays africains, il n’envoie pas ses 4 enfants dans les établissements européens mais dans les écoles locales. A 12 ans Claire est atteinte de poliomyélite et ses parents l’envoient se faire soigner en France chez ses grands-parents maternels à Saint Germain en Laye. Claire s’ennuie, regrette sa liberté africaine, ne se fait pas d’amies. Son professeur d’histoire au Lycée, cinéphile, lui fait découvrir les films d’Art et Essai. Après le bac, elle intègre une école où elle apprend les techniques de la photo, de la Télévision et du cinéma.

Elle repart alors en Afrique et travaille comme journaliste pour la Télévision au Niger. Rentrée en France, elle commence diverses études, puis sur les conseils d’un épisodique mari photographe elle entre à l’HIDEC (pas encore FEMIS). A sa sortie, elle commence comme assistante des réalisateurs Jacques Rivette, Robert Enrico pour  Le Vieux fusil , Jim Jarmush pour Dawn by law, , Wim Wenders pour Les Ailes du désir , puis se lance elle-même dans la carrière de cinéaste.

Le film de ce soir est un peu un condensé de son œuvre, car elle aime travailler avec « ses habitués » :

Alors que les deux amies, Claire Denis et Christine Angot se trouvaient confinées par le Covid, elles ont décidé d’adapter le roman de Christine Un tournant de la vie . Elles avaient déjà travaillé ensemble en 2017 sur le scénario d’ Un beau soleil intérieur. Claire apprécie chez son amie sa manière de manier les mots, alors qu’elle-même est surtout dans l’abstraction et le langage des corps.

Pour la musique elle a repris une fois encore le groupe Tindersticks qu’elle avait découvert en 1995 lors d’un concert au Bataclan.

Pour le Casting elle a engagé :

– Dans le rôle de Sara, Juliette Binoche qui avait joué dans Un beau soleil intérieur et dans High life. Notez que vous allez aussi apercevoir dans le film de ce soir dans ses débuts au cinéma Hanna Magimel, la fille que Juliette a eue avec Benoit Magimel.

– Dans le rôle de François, Grégoire Colin qui a déjà interprété six films de Claire dont son premier film africain autobiographique Chocolat.

– Dans le rôle de Jean, Vincent Lindon qu’elle a dirigé notamment dans Les Salauds et Vendredi soir.

Et je terminerai par une anecdote que nous raconte Juliette Binoche sur ses relations avec Vincent Lindon pendant le film : « Vincent Lindon va faire de la politique, ça, c’est sûr. Vincent, il veut qu’on sache qu’il existe, et moi je n’aime pas que l’on me marche sur les pieds. Alors ça a été un peu difficile entre nous… ».

Et je vous souhaite, avec amour mais sans acharnement, une bonne soirée.

 

Leila et ses frères, de Saeed Roustaee

 

LEILA ET SES FRÈRES, de Saeed Roustaee

On a pu découvrir le cinéaste iranien Saeed Roustaee il y a juste un an avec un film choc : La loi de Téhéran, qui montrait une capitale iranienne gangrenée par la drogue, et dont vous avez sans doute retenu quelques scènes frappantes : celle de la course poursuite qui ouvre le film, celle de ces toxicomanes vivant dans des tubes de béton, ou encore celle de la rencontre entre un condamné à mort et sa famille dans une prison.

Après ce polar social, le réalisateur revient avec une chronique familiale et sociale, à travers laquelle il dresse le portrait de la classe moyenne iranienne, une classe qui s’est appauvrie dans les dernières décennies, ce que montre bien le décor : un tout petit appartement dans lequel la promiscuité crée forcément des tensions.

Malgré le titre centré sur le personnage de Leila, il parvient à nous faire partager le point de vue de tous les membres de la famille autour d’une question simple : que faire du magot accumulé par le père de famille ? Cette question cristallise notamment la fracture entre la tradition (le père voudrait profiter de cet argent pour devenir le parrain du clan familial, la plus haute distinction qui soit dans la tradition persane) et la modernité (les enfants voudraient utiliser cet argent pour améliorer leur vie quotidienne).

Le film dure 2h50, avec une 1ère heure assez bavarde, mais cela vaut la peine de passer ce laps de temps pour rentrer dans une œuvre qu’on a pu comparer au Parrain. La 1ère scène, comme celle de la loi de Téhéran, est d’ailleurs un beau modèle de mise en scène avec son montage parallèle entre 3 personnages, 3 lieux, 3 actions.

 

Goodnight soldier, de Hiner Saleem

 

Hiner Saleem est un des rares cinéastes kurdes. Il est né en 1964 au Kurdistan irakien, dans une famille engagée dans le combat pour l’autonomie du Kurdistan. Il a raconté son enfance dans un récit autobiographique Le fusil de mon père. A l’âge de 10 ans, il découvre la TV qui ne diffuse que des émissions en arabe, c’est à ce moment qu’il décide de faire parler cette boîte en kurde.

A 17 ans, sans prévenir sa famille, il quitte seul l’Irak pour rejoindre l’Italie, où il découvre le cinéma italien, puis la France, où il s’installe. Il dit aujourd’hui qu’il se sent « à 100% kurde et à 100% français. »

Toute sa filmographie traite, d’une manière ou d’une autre et à travers des genres très différents, de la question kurde ; je vous recommande en particulier le film Vodka Lemon, un film qui peut évoquer l’univers de Kusturica, qui raconte dans une forme de réalisme poétique l’histoire d’un vieux kurde arménien attendant un mandat de son fils exilé en France.

Mais le film qui l’a fait connaître du grand public, en 2013, est My sweet pepper land, western kurde moderne et féministe dans lequel on entend Golshifteh Farahni jouer du hang.

 

Le film de ce soir est en partie une réécriture kurde de Roméo et Juliette ; il est aussi inspiré d’une histoire vraie, celle d’un peshmerga engagé contre l’Etat islamique devenu impuissant à la suite d’une blessure. Ce sujet lui permet d’aborder, comme très souvent dans ses films, le rôle et la place des femmes dans une société encore très patriarcale où la femme est considérée comme « l’honneur » de l’homme. Il nous montre ici des personnages modernes dans une société encore étouffée par les traditions.

Même si le sujet est grave, tous les films de Saleem sont aussi empreints d’humour, j’espère que ce film vous donnera envie de découvrir l’œuvre de ce cinéaste !

L’Année du requin, de Ludovic et Zoltan Boukherma

 

L’Année du requin

Pour débuter la présentation du film de ce soir, l’année du requin, je voudrais commencer par remercier les parents de Ludovic et Zoltan Boukherma, ces deux jeunes réalisateurs tout juste trentenaires formés à l’école de la Cité dirigée par Luc Besson.

Merci Mme boukherma d’avoir transmis votre passion pour Stephen King à vos deux jumeaux de fils en leur lisant les nouvelles de Rêves et cauchemars.

Merci aussi de leur avoir visionné Carrie, The Shining, Misery et aussi la série des Contes de la Crypte sur cassettes VHS louées au vidéo club près de chez vous, là-bas à Port Sainte Marie dans le Lot et Garonne.

Merci Monsieur Boukherma de vous être laissé subtiliser votre caméscope par vos jeunes fils assistés de leur cousine afin qu’ils assouvissent leur passion pour les films d’horreur.

Ainsi ce soir nous pouvons assister à la projection de leur 3ème long métrage qui pourrait avoir la triple vertu d’être spectaculaire, de nous divertir et de faire réfléchir sur la société française d’aujourd’hui.

Je laisse donc la place au film et comme on dit dans le Bugey : ENJOY ! Bon film !

Doris ORLUT

As bestas, de Rodrigo Sorogoyen

 

Rodrigo SOROGOYEN est né à Madrid en 1981. Son grand-père, cinéaste, a découvert en son temps le très jeune chanteur Joselito et a bâti toute sa carrière et sa fortune sur les tournages qu’il a réalisés avec l’enfant prodige.

Baigné dans le cinéma dès son plus jeune âge, Rodrigo fait ses études à l’Ecole du Cinéma de Madrid. Dans le cadre de l’opération Erasmus, il vit un an à Nantes, ville qui consacre une bonne part de son budget à la Culture. Il découvre avec ravissement la diversité et la richesse de la culture française qu’il compare avec la culture espagnole sévèrement réduite sous le franquisme. C’est à la mort de Franco que s’est développé le mouvement culturel de la Movida. J’en garde un souvenir précis : Pedro Almodovar en drag queen, bas résilles et talons aiguilles, déchaîné, dansant sur les tables au milieu de la foule !

Rentré en Espagne, Rodrigo s’associe avec son amie Isabel PENA, et très vite il fonde sa propre société de production « Caballo Films ».

Dès ses débuts, « Madre », « El Reino », «  Dios nos pardone », le monde du Cinéma est séduit par son rythme, sa très belle photographie, sa direction d’acteurs, «tout le talent incroyable de ce cinéaste espagnol qui dissèque avec génie la mécanique d’une société qu’il juge monstrueuse » .

« As Bestas » va vous faire redécouvrir deux acteurs français que vous connaissez et appréciez depuis longtemps : Denis Ménochet et Marina Foïs, dans des rôles totalement imprévus où ils sont excellents. Il faut dire qu’ils sont tous les deux capables de tout jouer, du drame le plus sombre jusqu’à la comédie la plus débridée, en passant par toutes les nuances intermédiaires avec la plus grande aisance, depuis « Jusqu’à la garde » pour l’un et à « Rrrr » pour l’autre…

Et tous les deux surchargés de propositions demeurent sympathiquement modestes.

Marina explique : « je ne risque pas de prendre la grosse tête, avec mes deux fils, 17 et 15 ans. Dans un musée, deux personnes me demandent un selfie, et je les rabroue : devant un tableau de Goya, c’est moi que vous voulez photographier ? Et mes 2 fils m’ont immédiatement reproché d’être prétentieuse, désagréable et donneuse de leçon ! »

Conscient lui aussi de la relativité des choses, Denis Menochet nous raconte ; « Tout a changé pour moi lorsque Tarantino m’a choisi pour « inglorious Bastards ». Quand, convoqué pour le casting, j’ai croisé Gérard Depardieu et Daniel Auteuil, je me suis dit « C’est plié ». J’ai fait ma petite prestation devant Tarantino et je suis rentré dans ma Bretagne. Quand j’ai reçu le coup de fil, je suis tombé par terre en pleurant. Et voyez vous, avant Inglorious Bastards, quand je racontais une bonne blague, personne ne riait et maintenant dès que je dis un mot, tout le monde se tord de rire ».

Découvrons donc ce qu’ils sont devenus, ainsi que les acteurs espagnols eux aussi excellents, sous l’œil de la caméra de Rodrigo Sorogoyen.

Marion Magnard