La prisonnière de Bordeaux, Patricia Mazuy

Patricia Mazuy est fan de polars et de westerns. Après un court passage en école de commerce, elle fait ses débuts au cinéma auprès d’Agnès Varda et de Sabine Mamou sa monteuse, qui la prend d’abord comme stagiaire, puis comme assistante monteuse.

Elle se tourne ensuite vers la réalisation mais le cinéma d’auteur n’étant pas un long fleuve tranquille surtout en matière de recherche de financement, elle s’essaie aux séries télé comme Tous les Garçons et les filles de leur âge et aux documentaires avec par exemple Des taureaux et des vaches.

En trente cinq ans de carrière, la prisonnière de Bordeaux est son septième film. Pour autant, Patricia Mazuy apparaît pour beaucoup de cinéphiles avertis, comme une précurseuse dans le cinéma féminin français.

Si son dernier film Bowling Saturne abordait la masculinité toxique, la prisonnière de Bordeaux la montre en creux en racontant l’histoire d’une amitié féminine forte entre deux femmes dont les maris sont en prison ; amitié, qui s’inscrit bien au delà des différences d’âge et de classe sociale.

A l’origine, il s’agissait d’un projet du cinéaste Pierre Courrèges, qui voulait faire un film social sur les femmes – les sœurs, mères ou filles de détenus. Il avait écrit plusieurs versions avec François Bégaudeau et cherché pendant plusieurs années à monter le film sans y parvenir. Ils étaient sur le point de renoncer quand le producteur Ivan Taieb a proposé à Patricia Mazuy de reprendre le projet. Après s’être assurée que Pierre Courrèges était prêt à passer la main pour que ce film se concrétise, elle en a repris l’écriture avec François Bégaudeau. Elle a longuement travaillé pour apporter de la nuance, de la complexité et de l’épaisseur à ses 2 héroïnes au delà du simple travail des dialogues.

Elle a choisi Isabelle Huppert et Hafsia Herzi pour incarner les héroïnes, l’une pour exprimer le côté burlesque et l’autre la fantaisie et l’auto-dérision. Elle a ensuite finalisé l’écriture avec Emilie Deleuze.

Le tournage s’est déroulé autour de deux lieux principaux : la prison et la maison d’Alma qui sont des lieux fermés. C’est dans le quartier résidentiel de Caudéran à Bordeaux que l’opulente demeure bourgeoise remplie de tableaux a pu être trouvée. Le centre pénitentiaire est celui de Mont de Marsan car en opposition à la maison, il est moderne, excentré de la ville. De cette prison, on ne voit que le parking et le couloir. Le reste, pour des raisons pratiques de logistique et de disponibilité, a été tourné en studio. La maison d’accueil a notamment été recréée, mais les personnes qu’on y voit sont de vraies femmes de détenus, de vrais bénévoles, qui, chargées de leurs vécus, donnent à ce lieu toute sa consistance.

Bien que les maris des 2 héroïnes soient les détenus, Patricia Mazuy a intitulé son film La Prisonnière de Bordeaux au singulier ce qui donne une tournure plus romanesque à l’intrigue.

Vous allez pouvoir observer un travail important sur la couleur. Le décor est traité je cite comme s’il s’agissait d’un tombeau de pharaons avec presque rien d’abord puis un son qui progressivement devient une musique.

Doris Orlut