La Fleur de Buriti, de Renée Nader Messora et João Salaviza

Ce soir dans le cadre du Festisol, Toiles Emoi a donc choisi de diffuser La fleur de Buriti. Ses deux réalisateurs, Renée Nader Messora et João Salaviza, ont reçu le prix d’ensemble dans la section Un certain Regard au festival de Cannes 2023. Il s’agit de leur seconde récompense à Cannes puisqu’ en 2018, ils avaient déjà eu le prix spécial du jury pour leur premier long métrage Le Chant de la Forêt.

La fleur de Buriti film tourné en pleine présidence bolsonarienne, relate l’histoire des Krahôs, ce peuple autochtone du nord de l’État de Tocantins, situé en limite de la forêt amazonienne. Le film raconte leur terre qui peu à peu disparaît, qui est constamment et littéralement étranglée par les appétits voraces et nihilistes d’un libéralisme teinté de climato scepticisme : ce sont les espèces protégées animales qui sont prélevées illégalement pour divertir quelques uns, ce sont les orpailleurs illégaux qui détruisent leurs terres, ce sont aussi l’évocation dramatique des meurtres, souvent des féminicides, perpétrés par les éleveurs afin de gagner du terrain pour le bétail au détriment d’une forêt qui pour les Krahôs constitue non seulement l’habitat, mais aussi la pharmacologie, la source nutritionnelle principale et le terreau de leurs croyances. Une terre, une forêt en somme qui concentre toute leur vie, tout leur univers avec laquelle ils vivent en symbiose. La Fleur de Buriti est le nom que portait la grand-mère d’un chef du village qui enfant a vu toute sa famille se faire massacrer par les gens des villes et les agriculteurs.

Le buriti c’est un palmier sauvage qui pousse dans la forêt amazonienne. C’est une plante médicinale que les Amérindiens appellent aussi arbre de vie tant ses usages sont variés. Ils mangent ses fruits pour leur grande richesse énergétique, utilisent ses feuilles pour faire les toitures de leurs maisons, tissent ses fibres, soignent leurs blessures cutanées et se protègent du soleil avec son huile.

Outre la symbolique de son titre, le film se veut un genre cinématographique qui s’apparente à un docu fiction humaniste, ainsi … vous n’échapperez pas à la classique voix off du genre.

L’évolution de la lutte du peuple Krahô pour leur terre et les différentes formes de résistance qu’elle prend, est illustrée par 3 moments forts de leur histoire. De la lutte armée des débuts, leur combat se mue progressivement en un combat politique avec la présence de représentants des Krahôs jusque dans les sphères institutionnelles. Ainsi on aperçoit dans le film la militante Sonia Guajajara, farouche opposante de Bolsonaro et qui depuis la récente présidence de Lula est devenue ministre des peuples autochtones.

A cette narration historique vient s’entremêler tout l’imaginaire poétique retranscrit par l’esthétique des images et un rythme très lent qui nous plonge au cœur même de ce peuple.

La genèse de ce film est originale et mérite de s’y attarder un instant. Le casting est tout d’abord composé principalement d’acteurs issus des communautés Krahô. La réalisatrice, Renée NADER MESSORA a mis le 7ème art au service de cette communauté en créant un collectif de jeunes réalisateurs autochtones qui utilisent le cinéma comme outil pour affirmer leur identité culturelle. Ainsi dans Le chant de la forêt, Ies deux réalisateurs avaient construit leur film en expliquant les rudiments de l’utilisation des caméras aux indiens pour les laisser ensuite parler de ce qu’ils voulaient, intervenant uniquement comme des référents techniques.

Pour La Fleur de Buriti, les deux réalisateurs ont poursuivi leur idée, en laissant aux Krahôs le soin non seulement de gérer les aspects techniques comme filmer mais aussi de créer le scénario global, n’intervenant que sur la cohérence et l’écriture.

Maintenant fermons les yeux et enfonçons nous au cœur de la forêt brésilienne !

Doris Orlut