Archives de l’auteur : Danièle Mauffrey

Les ciné-clubs Art et Essai du Lycée de la Plaine de l’AIN

Dans le cadre du développement de son Pôle cinéma, qui se traduira par la création d’une spécialité Cinéma-Audiovisuel, en plus de l’option facultative, à la rentrée 2022, le Lycée de la Plaine de l’AIN a mis en place un Cinéclub. Il se décline en 3 versions:

– « Cinéclassique »: environ 1 séance par trimestre à l’Espace 1500

– « Cinécités »: environ 1 séance par trimestre au lycée, animée par des jeunes d’UNICITÉS, autour d’un film ou d’extraits traitant de sujets de société

– « Ciné Art et Essai »: 1 séance par trimestre au Cinéfestival, un jeudi à 18h30. Ces séances sont ouvertes à tous, elles proposent un film d’art et essai récemment sorti, qui est présenté par des élèves d’option Cinéma et par un enseignant de cinéma. Depuis septembre, 2 séances de ce type ont été programmées avec la projection des films Ride your wave et First Cow. Une bonne occasion de partager notre passion du cinéma!

Nos âmes d’enfants, de Mike Mills

 

Nos âmes d’enfants, Mike Mills

Mike Mills est un réalisateur, scénariste et graphiste américain, né en 1966 à Berkeley (Californie).

Il a réalisé de nombreux clips, entre autres pour Moby, Yoko Ono et le groupe Air.

Il a aussi réalisé plusieurs longs métrages et celui-ci vient clore une trilogie consacrée à l’éducation. En effet, en 2006, dans le film Beginners, il a rendu hommage à son père, qui avait déclaré son homosexualité à 75 ans, quelques années avant sa mort. 6ans plus tard, en 2011, il s’est inspiré de sa propre adolescence pour réaliser 20th Century Women, un long-métrage largement autobiographique où la figure maternelle, et plus généralement féminine, devient le symbole de toute une époque. Après le père, puis la mère, c’est la figure de l’enfant qui est au premier plan du film de ce soir.

Si vous avez vu la bande-annonce, vous avez pu voir que le film est tourné dans un noir et blanc très lumineux, un noir et blanc qui n’est pas du tout un retour vers le passé ; mais qui peut peut-être se justifier par la volonté de donner un certain côté documentaire à cette fiction, en lien avec le métier du personnage principal, qui est journaliste. Ce NB donne aussi un côté plus uniforme aux décors, alors que le film est tourné dans 4 villes différentes, comme pour mieux se concentrer sur la relation entre les 2 personnages.

Ce film est donc à la fois un road movie, mais aussi un récit initiatique structuré par l’apparition à l’écran de titres de livres qui constituent les chapitres de l’histoire et donnent un côté littéraire au récit.

Le titre original c’mon, c’mon (= come on, come on), semble annoncer une certaine insouciance, ce qui est assez trompeur car le film n’est pas dénué d’une certaine noirceur liée à l’incompréhension entre l’enfant et le monde des adultes.

Le film alterne des séquences répétées mais aussi des improvisations souvent initiées par l’enfant. Et manifestement, dans ce film sur l’éducation, celui qui apprend, c’est l’adulte, incarné par Joaquin Phoenix.

Joaquin Phoenix est finalement un acteur assez rare : les films dans lesquels il a joués récemment ne sont pas si nombreux (seulement une 12aine dans les années 2010). Son dernier rôle ? : Joker en 2019, et prochainement, il jouera Napoléon dans un film de Ridley Scott. Entre les 2 nous allons donc le découvrir ce soir dans un rôle plus intimiste. Je vous souhaite une bonne soirée en sa compagnie.

 

 

La pièce rapportée, d’Antonin Peretjatko

LA PIECE RAPPORTEE – 13 janvier 2022 – Présentation   Marion Magnard

Antonin PERETJATKO est né à Grenoble en 1974. Sa famille s’installe ensuite à Brest où Antonin fait toute sa scolarité. Déjà passionné de cinéma, il fera partie dès son plus jeune âge de l’atelier vidéo de son patronage brestois. Après son bac, il décide d’aller à Paris préparer un DEUG Physique-chimie qui lui permettra d’intégrer à Saint Denis l’Ecole Louis LUMIERE, créée en 1926 par Louis Lumière pour enseigner les techniques du cinéma. Quand Antonin en sort diplômé, il ne connait personne dans ce monde qui pourrait le pistonner. Il nous raconte : « j’ai vu une porte entr’ouverte, je l’ai poussé du pied et je suis entré ». Il débute au pied de l’échelle, comme « assistant caméra », tourne des courts métrages, puis réussit à obtenir des Commissions spécialisées dans l’accompagnement des projets de leurs anciens élèves de l’Ecole un financement de 400 000 euros pour le tournage de son premier film, « la fille du 14 juillet », un film percutant, fou, décalé, drôle et triste, tout ce qui sera sa marque de fabrique.

Il tourne ensuite « La loi de la jungle », un pastiche tendre de la filmographie de Jean Luc Godard, puis l’inénarrable « Panique au Sénat » où un arbre marche dans le jardin du Luxembourg. Puis il tombe par hasard sur une revue « Bonne Soirée » de 1980 où il lit une nouvelle de Noëlle RENAUDE « il faut un métier ». Il y voit immédiatement toute la mécanique implacable d’un vaudeville. Il va moderniser l’histoire, y ajouter quelques personnages, quelques situations, plus une contrebasse,  celle-ci en clin d’œil à une nouvelle de Tchékov qu’il aime particulièrement. Et ce sera « la Pièce rapportée », un puzzle de flashbacks emboîtés, avec la voix off d’un narrateur omniscient « qui apporte quelque chose que ni l’image ni le montage ne peuvent véhiculer », strate supplémentaire qui s’inscrit comiquement en faux sur ce que l’on voit.

Le réalisateur nous explique : « pour l’ordre des scènes, il y a deux méthodes : la construction à la Fritz Lang, chaque plan en appelle un autre, à la façon des dominos, ou celle de John Ford, où les séquences sont autonomes ». Et il nous rapporte que dans un tournage où Ford avait une semaine de retard, il déchire dans le story-board la page d’une séquence et déclare : maintenant on est à l’heure, on peut continuer.

Et il a choisi de mélanger les deux techniques avec des séquences autonomes, mais imbriquées, parfois en avance, parfois en retard sur l’information, avec des accélérations imprévues « pour dynamiser l’histoire ».

Les décors sont très travaillés. Antonin nous précise que sa décoratrice, née dans les quartiers huppés de Paris, a su parfaitement restituer l’ameublement des belles demeures des 7ème et 16ème arrondissements parisiens. Quant aux costumes, ce n’est pas par hasard qu’Ava passe d’une robe légère à un tailleur dont la jupe est si étroite qu’elle peut à peine bouger les jambes…

Et Peretjatko se fait une joie de se livrer à une critique politique : violences sociales et économiques, rapports de pouvoirs, absence totale de scrupules, avec bien sûr des références à l’actualité.

Côté Casting, Josiane Balasko réussit à combiner grande outrance et grande retenue, Anaïs Demoustier est aussi à l’aise derrière son guichet que dans la grande demeure, et la perruque de Philippe Katherine campe son personnage…

Et pourquoi la tour Eiffel ? Le réalisateur vous répond : « vous ne trouvez pas que ce tas de ferrailles surréalistes illustre parfaitement l’ascenseur social ? Vous êtes déjà monté en haut avec les escaliers ? C’est long, très long… »

 

L’événement, d’Audrey Diwan

 Trois femmes créent l’Evénement:  Annie Ernaux , l’écrivaine, Audrey Diwan la réalisatrice , Anamaria  Vartolomei l’actrice.

Annie Ernaux , 81ans , nous l’avons récemment entendu parler de sa ville : Cergy, dans le documentaire  » J ai aimé vivre là ».

En 2000 elle écrit un roman, récit autobiographique, qu’elle intitule l’Evénement ». Avec son style très abrupt, très cru, très précis , elle met des mots sur son avortement clandestin en 1964.

Audrey Diwan , 41ans , réalisatrice, adapte  ce récit et recrée avec les outils du cinéma, les attitudes , les émotions que l’ écrivaine analyse. C’est son 2ème long métrage après « Mais vous êtes fous  » sorti en  2018 dans lequel elle interroge le tabou de la drogue. Coup de maître , avec l’ Evénement elle remporte le  lion d’or à Venise, c’est le 2ème lion d’or reçu par une réalisatrice française après Agnès Varda pour « Sans toit ni loi ».

Anamaria Vartolomei, jeune actrice de 22ans, incarne Anne, étudiante en lettres dans les années 60.Bouleversante  de vérité, elle a été  inspirée par le style d’Annie Ernaux. Avec un engagement , une rigueur absolus, elle affronte la douloureuse réalité. Sa seule arme : sa détermination 

       Le film , dit la réalisatrice, » est l’ occasion de revenir sur cette période particulière de notre histoire et de la mémoire des femmes  » .Dans les années 60 l’interruption volontaire de grossesse est interdite. Nous sommes 12 ans avant la loi Veil, 4 ans avant la légalisation de la pilule. En avortant  les femmes risquaient la mort ou la prison. Le désir sexuel des femmes est proscrit et honteux.

Audrey Diwan a dû mettre en image l’émotion et le combat d’une  femme  en quête d’émancipation , de liberté, dans un monde régi par des règles  écrasant les femmes . Ce que vit l’héroïne  est une souffrance taboue. Le mot avortement n’est jamais prononcé dans le film. La solitude d’Anne sidère.

 C’est  la raison pour laquelle  le cadre à l’image  a voulu être très resserré sur elle , de façon à transmettre immédiatement aux spectateurs ses mouvements, ses réactions. La caméra à l’épaule s’est  imposée, elle ne lâche jamais Anne pour  mieux scruter son visage, son regard, son souffle: le souffle est un élément  sonore très important. Par le simple traitement de la mise en scène Anne  apparaît comme une petite soeur de Rosetta des frères Dardenne.

La réalisatrice et son chef-opérateur se répétaient  » il s’agit d’ être Anne , non de la regarder, c’est un soldat , on lui donne des coups , elle se relève, elle regarde toujours devant « . Son refus  de capituler , c’est aussi le récit d’une émancipation . Le film parle également de  l’envie de s’élever socialement, de désir intellectuel , de désir physique, en cela il reflète bien une époque .

          On a reproché à Audrey Diwan  certaines  scènes très dérangeantes, elle répond qu’elles font prendre conscience de ce qui a été infligé au corps des femmes. Après la projection Annie Ernaux  a adressé à Audrey Diwan   » vous avez réalisé un film juste  » 

                                              Denise Brunet

La Fracture, de Catherine Corsini

Présentation de la fracture de Catherine Corsini

Ce film est son 11ème long métrage. Sur trente ans de carrière, elle a embrassé plusieurs genres : Poker en 1987 est son premier long métrage. Elle a proposé une comédie acide avec La nouvelle Eve en 1999, un drame fugueur avec Partir en 2009, une chronique féministe d’un amour entre deux femmes qui se passe dans les années 70 : la belle saison en 2015. Un amour impossible en 2018 est une adaptation très réussie du livre de Christine Angot. La réalisatrice a toujours filmé des héroïnes admirables d’insolence et de combativité. Des rôles qui magnifient des actrices comme entre autres : Karine Viard, Emmanuelle Béart, Kristin Scott Thomas et dans la fracture Marina Foïs et Valérie Bruni Tedeschi. C’est peut-être parce que dans sa jeunesse, Catherine Corsini se destinait à jouer avant de comprendre qu’elle préférait faire le récit du monde qui l’entoure, de ses freins de ses injustices et de ses libertés gagnées.

Sur les motivations du film La fracture, Catherine Corsini évoque le fait qu’elle voulait traduire la réalité d’aujourd’hui après deux films d’époque, retranscrire ce monde angoissé, perclus de conflits. Le 1er décembre 2018, Catherine Corsini se retrouve aux urgences de l’hopital Larivoisière alors que Paris était en état de tension avec les manifestations des gilets jaunes, c’est le point de départ de son inspiration.

La fracture ou peut être plutôt les fractures : Le film embrasse toutes les déclinaisons de ce mot :

  • Celle au sein du couple formé par Raf et Julie
  • Celle physique qui frappe Raf et qui la conduit à l’hôpital
  • Celle qui règne au sein de la société française et qui en novembre 2018 vient de donner naissance au mouvement des gilets jaunes
  • Celle qui existe entre le manque de moyen octroyé à l’hôpital public français par les gouvernements successifs et l’extraordinaire dévouement dont font preuve malgré tout, les personnels soignants pour s’occuper des malades.

Le service des Urgences d’un hôpital est le lieu par excellence qui permet de croiser la destinée de gens venant de milieux sociaux très différents. On parle de film choral avec plusieurs intrigues qui s’entremêlent. La cinéaste confronte dans le huis clos d’un hôpital surchargé, un couple petit bourgeois au bord de la rupture à un gilet jaune blessé lors d’une manif.

 Les thèmes abordés : l’état policier, la révolte populaire, la fin du déni de la lutte des classes, la destruction de l’hôpital public, l’ébranlement du patriarcat, la vie, la mort et le désespoir amoureux. C’est dense.

Si le sujet est grave, le film est drôle, embarquant Valérie Bruni Tedeschi, Marina Foïs et Pio Marmai ainsi qu’une actrice non professionnelle qui crève l’écran, en jouant son propre rôle d’aide-soignante : Assiatou Diallo Sagna.

Au niveau du tournage, Catherine Corsini explique qu’elle voulait,avec sa directrice de la photographie, Jeanne Lapoirie, relever un défi physique, être en mouvement constamment. Elle tourne pour la première fois caméra à l’épaule. « Je voulais que la tension vécue à l’hôpital explose à l’écran ». La caméra capte la confusion, le manque et le trop plein.

Le film, et c’est sa cohérence, ressemble aux espaces qu’il décrit : une salle d’attente pleine à craquer qui continue de se remplir et de l’autre côté de la porte, un service saturé qui déborde.

Sylvie PACALET

J’ai aimé vivre là, de Régis Sauder

J’ai aimé vivre là, de Régis Sauder

Régis Sauder a un parcours peu banal pour un réalisateur puisqu’il a fait des études de neurosciences. Il s’est d’abord orienté vers le journalisme scientifique et de là est passé à la réalisation de documentaires. Il a tourné de nombreux documentaires pour la tv, et 3 longs métrages avant celui que nous allons voir: Nous, princesse de Clèves en 2011, sur la réception de l’œuvre de Mme de Lafayette dans un lycée de quartier défavorisé, Etre là, en 2012, sur la prison des Baumettes. Et le plus connu en 2017 : Retour à Forbach. R Sauder est en effet originaire de cette cité minière où il est retourné, après 30 ans d’absence, à la rencontre de ceux qui sont restés sur place.

En mai 2017, il présente son film retour à Forbach  dans un cinéma proche de Cergy. C’est à cette occasion qu’il rencontre Annie Ernaux qui a aimé le film et qui l’invite à visiter la ville nouvelle où elle est installée depuis longtemps. Le film met en scène cette rencontre, cette balade de mai 2017, il est nourri de la correspondance qui en a découlé. De son côté, le réalisateur connaissait et appréciait l’œuvre à la fois autobiographique et sociologique d’Annie Ernaux, mais il s’est surtout inspiré ici de son écriture photographique du réel.

Sauder a tenté non seulement de filmer la vie à Cergy, mais de permettre à ses habitants, rencontrés au hasard de ses déambulations, d’énoncer leur récit. « A la suite de notre premier rendez-vous, je suis venu régulièrement à Cergy pour faire des rencontres et découvrir la ville en profondeur. A chaque visite, nous échangions sur ce que je voyais, j’entendais. Je découvrais la ville à travers les yeux des autres, leur joie d’habiter là et je voulais traduire ce sentiment. Le film raconte ce lieu à travers les récits des habitants qui s’y croisent et façonnent son histoire. » Sur le plan de la prise de vue et des cadrages, le réalisateur a choisi de ne pas trop s’approcher des habitants pour les montrer dans l’espace de la ville.

Assez rapidement dans le projet, le réalisateur a travaillé avec un groupe de lycéens à qui il a fait lire des textes d’A Ernaux, on voit donc ici le lien avec Nous princesse de Clèves. Tout au long du film, les textes de l’autrice dialoguent avec les images du film, sans les redoubler et construisent une cartographie subjective de la ville. Les œuvres d’Annie Ernaux dont on entend des extraits dans le film sont tirés de deux ouvrages : Le Journal du dehors (1996) et La vie extérieure (2000).

Les films que nous vous proposons dans le cadre du Festival des Solidarités sont souvent des films qui mettent l’accent sur une réalité douloureuse, nous avons le plaisir ce soir dans le cadre du thème « Vivre parmi les autres/vivre avec les autres », de vous proposer un film poétique, optimiste voire utopique, dont l’affiche annonce le côté chaleureux et solaire. Une source d’inspiration stimulante pour notre réflexion sur les manières de vivre avec les autres.

Les Intranquilles, de Joachim Lafosse

LES INTRANQUILLES   de JOACHIM LAFOSSE  – Présentation de Marion Magnard –  11/11/21 –

Joachim Lafosse est né en  Belgique en 1975. Son père,  photographe professionnel,  s’ennuie en faisant des photos pour les mariages et les cartes d’identité et comme il a beaucoup d’amis peintres, il se  spécialise dans les reproductions de tableaux . Malheureusement, ce père  est atteint d’une forme sévèe de bipolarité. Aussi l’enfance de Joachim est elle  d’une part entourée d’amis  peintres et de peintures, mais d’autre part  perturbée par les alternances d’euphorie excessive et de violence incontrôlée de son père, suivies d’hospitalisations dont il sort assommé par les médicaments. L’insécurité qui en résulte pèse lourdement sur le malade, sa femme et son fils, d’où le pluriel du titre «  les intranquilles « .

Joachim étudie le cinéma à l’Institut des Arts de Diffusion, et son film de fin d’étude, « Tribu », reçoit le prix  du meilleur court métrage au Festival de Namur, ce qui lance sa carrière de cinéaste.

Joachim nous explique, que marqué dès son enfance par la bipolarité de son père, il a toujours cherché à connaitre  « ce qui se passe quand quelque chose flanche, et comment ça arrive ».Et vous retrouvez cette recherche  dans sa filmographie :  le drame familial de « Nue-propriété »,  , les adoptions contestées dans « l’arche de Zoé », le partage de la maison après divorce dans « l’économie du Couple », et l’histire vraie dans « à perdre la raison » avec une jeune mère qui ne  trouve pas d’autre solution pour résoudre ses problèmes que de tuer ses quatre enfants.

Mais son  film le plus proche de lui, c’est celui que vous allez découvrir. Et il a voulu que  la musique du film ne soit  composée que de titres  qu’il  aime  particulièrement : piano et cordes de « Réminiscences » de Olafur Arnalds,  danses sur des compositions d’Antoine Bodson, et ses chansons préférées, « les idées noires » de Bernard Lavilliers,  « Mes amours » de Jean Ferrat…

Le scénario est inspiré de l’autobiographie « L’intranquille » du peintre  bipolaire Gérard Garouste, ami de Joachim, et de sa propre histoire familiale. Mais il n’a pu s’attaquer à la réalisation qu’après plusieurs années de maturation et d’analyses, pour être enfin capable d’arriver à une version qui prenne  soin  de chacun des  points de vue des trois membres de la famille. Et il a voulu faire, non un film sur la bipolarité  mais une déclaration d’amour à son père, qui a géré le mieux qu’il a  pu une vie difficile.

Le film a été tourné en pleine pandémie. Tous les techniciens, y compris le réalisateur, étaient masqués. Ils avaient l’impression d’être des entomologistes à l’observation d’un autre monde, celui des acteurs visage découvert, une autre race….

Joachim  a été littéralement séduit par ses deux  acteurs, qui eux même ont tellement investi  leur rôle qu’ils ont demandé au réalisateur de leur laisser leurs vrais prénoms dans le film.

Damien Bonnard, né à Tournus en 1978, a fait les beaux arts avant d’être acteur. Les tableaux du film sont l’œuvre du  peintre Pier RAEMDONCK, ami du réalisateur du film, mais certains ont été peints  par  l’acteur. Scrupuleux, il a travaillé son rôle avec des psychiatres. Et il   n’est pas un inconnu pour vous, vous l’avez vu notamment dans « Rester vertical »,  il était le soldat  français dans « Dunkerque », et  un des deux policiers  dans « les Misérables ».

Leila BEKHTI, née à Issy les Moulineaux en 1984, joue au théatre et au cinéma, (« tout ce qui brille », « le grand bain », la série « La flamme »…). Elle a fait trois enfants en 5 ans, pendant lesquels, dit elle, « je me suis lâchée, je suis très goumande  et j’ai pris 27 kilos ». Elle venait d’accoucher du troisième,  quand Lafosse  lui a proposé le rôle de la mère, dans lequel elle est parfaite.

Gabriel METZ CHAMMAH, le petit fils d’Isabelle Huppert, joue l’enfant. Lafosse nous raconte : « je ne sais pas diriger les acteurs enfants, mais Damien et Leila se sont sentis  immédiatement en empathie avec lui et ont été les interprètes entre nous. Et je ne savais pas comment terminer mon film, alors  je leur ai laissé  décider du dernier mot » du film que vous allez maintenant découvrir.

Le sommet des Dieux, de Patrick Imbert.

Le sommet des Dieux, de Patrick Imbert

Vous avez sans doute entendu dire que le film de ce soir a été tiré d’un manga de Taniguchi, mais avant d’être un manga, Le Sommet des Dieux a été publié en feuilleton par l’écrivain japonais Baku Yumemakura. Ce récit n’a jamais été traduit mais a marqué les Japonais et inspiré Taniguchi, qui l’a adapté dans en 5 tomes entre 2000 et 2003. Cette oeuvre a été un gros succès et a reçu le prix du meilleur dessin à Angoulême en 2005. Après sa lecture, le producteur et scénariste français Jean Charles Ostorero a immédiatement envie d’en faire un film, mais comme il s’agissait d’une œuvre fleuve de 1500 pages, l’entreprise n’était pas simple et le projet a dû mûrir. Une équipe s’est alors constituée autour du projet, mais on voit que le réalisateur Patrick Imbert, n’en est pas à l’origine. Il a fallu ensuite 4 ans de travail sur le scénario pour décider ce qui serait gardé (notamment la quête et l’enquête du personnage principal et les aller-retours entre passé et présent), et ce qui serait abandonné (les intrigues secondaires). Par ailleurs, l’équipe s’est mise d’accord sur un parti-pris réaliste. Le scénario et des dessins préparatoires ont pu être montrés à Tanigushi peu avant sa mort en 2019, et celui-ci les a validés, heureux que sa propre adaptation soit adaptée à son tour.

Il ne s’agit d’ailleurs pas du 1er film français adapté d’un manga de Taniguchi puisqu’en 2010, Sam Gabarski avait adapté Quartier lointain, le récit du retour d’un homme vers son passé. Ce film était en prises de vues réelles et certaines scènes avaient été tournées dans la région, peut-être même connaissez-vous des jeunes qui ont servi de figurants. .

Dans ce film, 3 personnages : le journaliste, l’alpiniste et l’Everest. Il s’agit en effet du 1er véritable film d’animation de montagne. À la question d’un journaliste du New York Times qui lui demandait pourquoi il s’entêtait à vouloir gravir l’Everest, Mallory avait répondu pour la postérité « parce qu’il est là ». Patrick Imbert et son équipe ont travaillé à restituer, par-delà le récit d’aventure et les vues incroyables sur l’Himalaya, ce qui faisait grimper les héros, ce qui les poussait à s’élever physiquement et spirituellement. «Il fallait rendre compréhensible le questionnement de Habu et Fukamachi pendant la montée. Finalement, c’est proche de la démarche artistique. Toutes choses égales par ailleurs, quand on me demande pourquoi je dessine, je ne sais pas répondre autre chose que “parce que, ce que j’aime, c’est dessiner”. Comme nos deux héros, il y a aussi un grand sentiment de solitude quand on crée. »

Dans les films d’animation, le son est entièrement créé en post production, il y a des équipes spécialisées pour les bruitages d’intérieur, d’autres pour les ambiances d’extérieur, d’autres pour les voix ; et c’est le son qui donne vie au dessin, qui lui donne son réalisme et sa vérité. Vous pourrez donc être particulièrement attentifs aux voix qui s’essoufflent quand l’air se raréfie, aux craquements de la neige, aux sons de la nature. Quant à la musique, elle a été composée par Amine Bouhafa, jeune compositeur franco-tunisien dont vous avez pu entendre d’autres b.o. dans notre programmation : il a reçu un César pour Timbuktu, a fait la b.o. d’Amin de Philippe Faucon, de Gagarine plus récemment.

Enfin une petite mention spéciale pour notre région pour terminer: L’assistanat animation, la mise en couleur et tout le compositing (étape finale qui consiste à superposer les différentes couches : décor, personnages…) ont été réalisés par Les Astronautes, studio d’animation situé à Bourg-lès-Valence (Drôme), pôle où est également installée la production Julianne Films.

Marcher sur l’eau, d’Aïssa Maïga

Aïssa Maïga est née en 1975 au Sénégal et vit en France depuis ses 4 ans. Elle a reçu une éducation multiculturelle entre catholicisme, islam et laïcité mais aussi entre des origines africaines et vietnamiennes.

 Le public français a pu la découvrir comme actrice dans des 2nds rôles dans Les Poupées russes de Klapisch, Caché de Haneke ou encore Je vais bien, ne t’en fais pas de Lioret. Elle est nominée pour le César du meilleur espoir féminin en 2006 grâce à son rôle dans Bamako. Depuis, elle a tenu des premiers rôles par exemple dans Il a déjà tes yeux.

On peut dire d’elle que c’est une artiste engagée puisqu’elle fait partie de plusieurs ONG mais aussi pour sa défense de la diversité au cinéma. En effet, lorsqu’elle débutait, quand elle se présentait dans des castings , elle s’est souvent entendu dire « on cherche une comédienne de 20 ans, pas une noire ». Ce combat s’incarne dans un documentaire qu’elle co-réalise pour la tv, intitulé  Regard noir.

Parallèlement à ce projet, elle réalise Marcher sur l’eau, premier long métrage qu’elle réalise seule, à la demande d’un producteur qui lui propose cette histoire d’une communauté villageoise se battant pour l’accès à l’eau. Ce sujet lui a aussitôt rappelé des souvenirs de ses vacances d’enfant chez sa grand-mère au Mali : l’eau bue dans les jarres posées le long des murs, le moment de la toilette dans le fleuve Niger. Elle a alors pris conscience du fait que la question de l’eau était cruciale et l’écriture du film a ensuite coulé très naturellement. C’est elle qui a choisi de tourner au Niger alors que plusieurs possibilités se présentaient à elle. Elle s’est rapprochée de l’ONG Amman Imman (« l’eau c’est la vie ») qui soutenait le projet de forage.

Il s’agit d’un documentaire écrit, il suit un projet réel en s’attachant plus particulièrement à des personnages qu’elle a dirigés au fil des saisons (elle venait tourner tous les 3 mois), en parvenant parfois à saisir des scènes sur le vif  et d’autres fois en les reconstituant .

Ce film nous a paru particulièrement approprié pour illustrer de manière concrète le problème de l’accès à l’eau tel qu’il se pose encore aujourd’hui pour une grande partie de l’humanité, et notamment en Afrique. Quelques chiffres pour mémoire :

  • 50% : À l’échelle de la planète, c’est en Afrique que se trouvent la moitié des personnes qui boivent une eau provenant de sources non protégées.

  • 24 et 28% : En Afrique subsaharienne, seulement 24% de la population a accès à une source sûre d’eau potable et les installations sanitaires de base – non partagées avec d’autres foyers – sont réservées à 28% de la population.
  • 30 minutes : temps consacré quotidiennement par les filles pour la collecte de l’eau, au détriment de leur éducation notamment

cf dossier de presse du film: