Anora, de Sean Baker

En 1970 la Palme d’Or du Festival de Cannes était décernée à un film qui a fait rire le monde entier, MASH, de Robert ALTMAN, et c’était la première fois depuis la création du Festival le 1er septembre 1939, qu’une comédie décrochait la Palme.

Il faut reconnaître que chaque année les sélections officielles ne donnent pas souvent aux membres du Jury des occasions de se tordre de rire. Certes, « Coupez » d’HAZANAVICIUS, en 2022, nous avait surpris et beaucoup fait rire, mais c’était un film hors compétition. Et 54 ans après MASH, c’est ANORA, un tourbillon comique réalisé par Sean Baker qui a remporté les suffrages.

Sean Baker, diplômé de l’Université de New York, où il est né en 1971, a tourné en 2000 un premier film aussi authentique qu’humoristique, sur la psychologie masculine post-adolescence. Ont suivis « Prince of Broadway » , un immigré du Ghana en situation irrégulière, et « Tangerine » une histoire de Smartphones et de prostituées transgenres. Et dans ses films ultérieurs, Sean Baker s’intéresse toujours aux marginaux et au monde du travail du sexe, sans porter aucun jugement.

ANORA, c’est la rencontre d’un réalisateur et d’acteurs qui se sont mutuellement choisis. Sean Baker avait été séduit par Mickey Madison dans « Once upon a time…in Hollywood » avec la diversité de son jeu et son sens de l’humour, et elle-même, qui souhaitait travailler avec lui, s’est entraînée des mois « pour être vraisemblable en danseuse et escort-girl avec l’accent de Broadway ». L’acteur Karen Karagulien marié à une russo-américaine, qui joue Toros, est un ami de longue date du réalisateur, et a joué dans plusieurs de ses films. Quant à l’acteur russe Mark EYYDELSHTEYN, 22 ans, qui joue Ivan, il a été conquis par le réalisateur pour « son humour, son empathie pour ses personnages, sans jugement moral ni condescendance ». Et Sean Baker a aimé la fluidité de son jeu et sa parfaite adaptation au scénario.

Pour se rapprocher de l’esthétique du cinéma des années 70, à contre-courant du cinéma Holllywoodien, Sean BAKER a tourné en 35 mm avec des optiques anamorphiques qui élargissent le champ. Et vous remarquerez son emploi particulier des couleurs et des éclairages.

Le tournage d’ANORA a procuré un grand plaisir à ses protagonistes. En sera-t-il de même pour nous à la projection de ce film, palme d’or 2024 ?

Marion Magnard