Le Carrosse d’or, Renoir, 1952
Après 2 ans d’annulation pour cause de pandémie, nous sommes ravis de retrouver cette année le festival de théâtre au LP, et d’en faire l’avant-première ce soir au cinéma.
Pour ce lever de rideau, nous avons sélectionné un film qui n’est pas en lien direct avec une des pièces présentées, mais qui nous emmène d’une manière flamboyante dans l’univers du théâtre, grâce notamment à une actrice haute en couleurs, Anna Magnani. Il s’agit d’un film de Jean Renoir, réalisateur que nous aimons beaucoup, qui a des liens avec notre ville puisque, pendant la 1ère GM, il a appris à piloter à Ambérieu. Réalisateur qui est régulièrement programmé ici : La Grande Illusion il y a quelques années, et La Bête Humaine il y a quelques semaines. Le film de ce soir est plus tardif que les 2 précédents (1937/1938) dans la carrière de Renoir et fait partie d’une trilogie consacrée au monde du spectacle avec French cancan et Elena et les hommes. Le projet lui a été proposé par des producteurs italiens après le désistement de Luchino Visconti, mais il est destiné au public anglo-saxon. Renoir l’a accepté avec quelques conditions : l’utilisation du Technicolor (seulement le 2ème film en couleurs de Renoir) et l’enregistrement du son en direct alors que le cinéma italien pratiquait toujours la postsynchronisation
Renoir a tourné Le Carrosse d’or en langue anglaise ; le film a ensuite été doublé en français, mais Renoir n’a pas supervisé cette étape. Il était contre le doublage, qu’il qualifiait de « procédé barbare » et considérait la version anglophone comme la seule version de son film. La mauvaise qualité du doublage a d’ailleurs été soulignée par les critiques à la sortie du film et Renoir a tenu à présenter la version anglophone à la cinémathèque française.
Le film est l’adaptation d’une comédie de Prosper Mérimée, Le Carrosse du Saint Sacrement. Cette pièce parue en 1829 s’inspire d’un personnage réel, une célèbre comédienne péruvienne du XVIIIème s surnommée « la perra chola » (traduction littérale « chienne de métisse, puisque le mot « chola » désigne les métisses indiennes d’Amérique du Sud), personnage que l’on retrouvera dans d’autres œuvres sous le nom de La Périchole. On peut d’ailleurs faire un lien avec le festival puisque Offenbach a repris ce thème dans un opéra-bouffe. Mais Renoir transforme la pièce de Mérimée en un hommage à la commedia dell arte, au théâtre en général et surtout à son actrice principale. A propos d’elle, Renoir dit : Si j’avais eu affaire à une actrice de genre bourgeois, mon film eût risqué de tomber dans la mièvrerie. Avec Magnani, le danger était d’aller trop loin dans ce qu’il est convenu d’appeler le réalisme. Sa réussite dans ce rôle est évidente. Sa bouleversante interprétation me força à traiter le film comme une pantalonnade. Un autre atout qu’elle m’apportait était sa noblesse. Cette femme habituée à interpréter des rôles de femmes du peuple déchirées par la passion fut parfaitement à son aise dans les subtilités d’une intrigue de cour[.
Mais il dit aussi bien d’autres choses dans un bref entretien paru sur le site de l’INA que je vous recommande vivement car vous y retrouverez la diction inimitable de Renoir et des anecdotes truculentes sur le tournage. En attendant, je vous souhaite une bonne soirée avec ce film qui tisse des liens très étroits, dès le premier plan, entre le théâtre et la vie !