Archives mensuelles : mars 2025
Mon gâteau préféré, Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha
Ce soir Toiles émoi vous propose Mon gâteau préféré, le second long métrage réalisé par .
Depuis la révolution de 1979, l’exercice du 7ème art en République Islamique d’Iran est remarquable. Comme nous le raconte la journaliste, Mahshid Bozorgnia lorsqu’un cinéaste a un projet de film, il doit d’abord faire approuver son scénario afin d’avoir une autorisation de réalisation. Puis l’œuvre terminée, un nouveau permis de projection est nécessaire afin de pouvoir être distribué dans les salles de cinéma. Ensuite, il peut encore y avoir des pressions par des fanatiques du régime qui, lors des premières séances, arrêtent le film car ils n’aiment pas le message et le font interdire.
Parmi les sujets particulièrement scrutés, on retrouve toutes les entorses au code de conduite et au code vestimentaire islamique : un homme et une femme qui se tiennent la main dans l’espace public, un voile mal positionné, la consommation d’alcool, autant d’exemples de franchissement de la ligne rouge, au-delà de laquelle les cinéastes risquent des années de suspension ou d’interdiction d’exercer. `
Leur premier long métrage, Le pardon qui avait pour thème l’erreur judiciaire et la peine de mort, mettait en scène un homme qui ne croyait plus au régime des mollahs. Il leur a valu 2 ans de poursuites judiciaires et l’interdiction du film.
Lorsqu’à nouveau libres, ils ont pu voyager, Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha ont renoué des contacts avec des sociétés de production européennes et ont décidé de réaliser une comédie romantique sur la rencontre d’une femme âgée qui ne veut plus vivre seule et d’un homme qui ne veut pas mourir seul. Ainsi Mon gâteau préféré traite d’un thème universel, la solitude de l’âge dans un contexte particulier, celui de la société iranienne qui est empêchée de vivre dans son quotidien et où les femmes ont une double vie : une vie à l’extérieur et une vie intime.
La préproduction de Mon gâteau préféré est contemporaine au mouvement « Femme, vie, liberté ». Le tournage s’est déroulé autant que possible en secret même si la police a débarqué chez le monteur d’images pour confisquer les rushes dont une copie avait par chance déjà été envoyée en France.
Au décès de Mahsa Amini, un groupe de cinéastes et de professionnels du cinéma en exil a décidé de fonder l’Association des Cinéastes Iraniens Indépendants pour soutenir les réalisateurs indépendants et donner une meilleure représentation du pays dans les festivals internationaux.
Tourné principalement en intérieur et en plans fixes Mon gâteau préféré s’articule autour de 2 scènes de repas. Il commence par un gag et se termine par un événement tragique. Je vous laisse le découvrir en compagnie de Lily Farhadpour et d’Esmail Mehrabi.
Doris Orlut
Je suis toujours là, Walter Salles, 19 février 2025
JE SUIS TOUJOURS LA, de Walter SALLES – 19 février 2025 – Prs. Marion Magnard
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Walter SAJJES est né au Brésil à Rio de Janeiro en 1956. So père est banquier Sa famille habite une belle maison au bord de la plage de LE BLOND, à côté d’IPANEMA. Walter et son frère partagent jeux et baignades avec les 4 filles et le fils des voisins, Rubens PAIVA, ingénieur et député travailliste, et sa femme Eunice.
Après le coup d’Etat du Maréchal Blanco en 1964, commencent, avec le soutien de la CIA (l’opération « Brother Sam ») « les années de plomb » de la dictature militaire qui ne prendra réellement fin qu’en 1985. La famille SALLES part s’installer aux USA, puis en France.
Revenu au Brésil, Walter fait des études d’économie, puis de Cinéma. En 1998, son film, CENTRAL DO BRESIL, ours d’Or à Berlin, lui amène la consécration. Je me souviens vous avoir présenté ce film : une vieille dame désargentée, dans une gare, gagne quelques sous en rédigeant sans empathie les lettres de ceux qui ne savent pas écrire et quitte tout pour aider un petit garçon à retrouver ses parents. A la fois producteur et réalisateur, il réalise et produit plusieurs autres films dont « Carnets de Voyage », sur un épisode de la vie de Che GUEVARA que vous avez vu aussi. Puis il arrête toute activité de producteur et de réalisateur.
12 ans après, il découvre « je suis toujours là » le livre de Marcelo PAIVA, le camarade de son enfance, qui relate l’histoire de la famille de Rubens PAIVA, et sa vie (surtout celle de sa mère) après la disparition du père. Walter est bouleversé et, avec l’accord de Marcelo, décide d’adapter le livre sous le même titre.
Ce film, qui rend hommage à la Résistance brésilienne contre la dictature militaire et veut lutter contre l’oubli, avec en B.O. une floraison musicale de l’époque, a été accueilli avec un vibrant enthousiasme par une population en quête de reconnaissance. Rien qu’en salles, plus de 3 millions 500 000 brésiliens sont venus le voir et la chanson d’Erasmo Carlos, (« Ami, nous trouverons bien un moyen ») qui accompagne le générique pendant que défilent les véritables photos de la famille PAÏVA au temps du bonheur, est sur toutes les lèvres.
Aussi la critique plutôt tiède du journal Le Monde, qui reproche au film de trop tirer sur la corde sentimentale et une mise en scène trop classique, a-t-elle été très mal reçue par les cinéphiles brésiliens qui militent unanimement pour que « Je suis toujours là » reçoive l’Oscar du meilleur film étranger.
Et le 2 mars, vous remarquerez que grâce aux sélections attentives de votre CINEFESTIVAL et de votre association TOILES-EMOI vous aurez déjà vu la plupart des films qui seront oscarisés. …
La chambre d’à côté, Pedro Almodovar
La chambre d’à côté, Almodovar
Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter Pedro Almodovar, mais juste vous rappeler qu’il a fêté ses 75 ans à l’automne dernier et que, depuis 1980, le film de ce soir est son 23ème long métrage.
On peut également dire de lui que c’est un cinéaste fidèle : il a souvent tourné avec les mêmes acteurs, chefs opérateurs, il a fait 20 films avec le même monteur, et celui-ci est le 13ème d’affilée dans lequel il collabore avec Alberto Iglesias pour la musique.
Pourtant le film que vous allez voir aujourd’hui marque une rupture dans son œuvre à plusieurs titres :
- c’est le 1er film qu’il tourne en anglais
- c’est la 1ère fois qu’il tourne avec Julianne Moore, John Turturo, la 2ème fois avec Tilda Swinton (moyen métrage = la voix humaine)
- c’est la 1ère fois qu’il travaille avec le chef opérateur Eduard Grau, qui a tenu à conserver le style d’Almodovar, notamment à travers l’utilisation de couleurs très vives et de décors très graphiques. Certains critiques ont pu reprocher au film d’être situé dans un milieu social très privilégié, mais c’est aussi une façon de magnifier le sujet du film.
Venons-en justement au sujet : vous le savez sans doute, il s’agit d’une fin de vie, sous la forme d’un suicide assisté. Le scénario est tiré d’un roman paru en 2020, écrit par Sigrid Nunez, une autrice New yorkaise. Lors de la présentation du film à la Mostra de Venise, Almodovar est apparu aux côtés de Swinton comme un partisan de l’euthanasie. « C’est un film qui défend l’euthanasie », a déclaré le réalisateur lors de la conférence de presse qui a suivi la première projection. « Il s’agit de la liberté personnelle de l’homme, de son droit à ne pas laisser la maladie décider quand la fin est proche, mais à garder lui-même les rênes ». Mais pour Tilda Swinton, c’est avant tout un film sur les vieilles amitiés, « comment elles nous soutiennent et pourquoi nous en avons besoin à ce stade de notre vie »
Au final, on retrouvera dans ce film les couleurs d’Almodovar, son amour des actrices, son sens du mélodrame. Avec ce film, le réalisateur a enfin remporté la plus haute distinction d’un grand festival : le lion d’or à la mostra de Venise, alors : le meilleur film d’Almodovar ? A vous de voir !