Archives mensuelles : décembre 2024

La vallée des fous, de Xavier Beauvois

LA VALLEE DES FOUS

Scénario adaptation et dialogues sont de Xavier Beauvois, Gioacchino Campanella et Marie Julie Maille qui n’est autre que l’épouse de Xavier

Xavier Beauvois est âgé de 57 ans. Il abandonne le lycée en classe de terminale, s’installe à Paris, multiplie les rencontres, et échoue au concours de l’IDHEC (institut des hautes études cinématographiques), (devenue aujourd’hui pour la petite histoire la FEMIS comme son acronyme ne l’indique pas école supérieure des métiers de l’image et du son). Autodidacte, cet échec ne remet pas en cause son désir de faire des films et il parvient à obtenir un agent en la personne du très connu Dominique Besnehart, réalise en 86 son premier court métrage « Le Matou ». Il en réalise d’autres ainsi que des reportages pour M6, et obtient quelques récompenses. Puis viennent des films marquants, « N’oublie pas de mourir » en 95, « Le Petit Lieutenant » en 2005 et puis le très beau film en 2010 « Des hommes et des Dieux » racontant le massacre des Moines de Tibhérine dans l’Atlas algérien, avec l’excellent Michael Lonsdale, et « Albatros » en 2021 film profond et boulversant impeccablement interprété par Jérémy Rénier .

Le voilà à nouveau sur « mer » avec LA VALLEE DES FOUS . C’est l’histoire de Jean Paul qui grâce à cette course virtuelle va renouer avec sa vie et sa famille. Je ne vous en dirais pas plus vous avez dû tous lire le synopsis.

Jean Paul Rouve raconte qu’il a tout de suite accepté de faire ce film car il connaissait bien Xavier et son épouse. Le cinéma c’est du « faux ou du vrai dans le faux » dit-il. Son personnage fait exactement cela : une course de bateaux pour de faux et pour de vrai. Il s’est préparé comme un vrai marin, mais son bateau ne bougera pas de son jardin.
Vous remarquerez tout au long du film la subtilité de jeu du visage de JP Rouve, les scènes avec les autres acteurs étant jouées via les écrans d’ordinateur.

La Vallée des Fous raconte une histoire très singulière, mais charrie des émotions que chacune ou chacun a pu ressentir dans sa vie.

Très important, La Vallée des Fous, où l’histoire se situe, est l’autre nom de Port La Forêt, qui est la Mecque des navigateurs. Tous les plus grands s’y sont entraînés, d’Eric Tabarly à Jean Le Cam, ou de Vincent Riou à Michel Desjoyeaux.

Enfin, dernière précision, la musique est signée Peter Doherty, que vous connaissez sûrement, plus connu comme rockstar à la vie tumultueuse, assagi tout de même depuis quelques années, reprenant sa vie en main, et devenant « un peu poète » et s’essayant comme acteur.

Je termine en vous disant Bon film et……Bon vent

Sylvie Guiseppin

 

 

 

Anora, de Sean Baker

En 1970 la Palme d’Or du Festival de Cannes était décernée à un film qui a fait rire le monde entier, MASH, de Robert ALTMAN, et c’était la première fois depuis la création du Festival le 1er septembre 1939, qu’une comédie décrochait la Palme.

Il faut reconnaître que chaque année les sélections officielles ne donnent pas souvent aux membres du Jury des occasions de se tordre de rire. Certes, « Coupez » d’HAZANAVICIUS, en 2022, nous avait surpris et beaucoup fait rire, mais c’était un film hors compétition. Et 54 ans après MASH, c’est ANORA, un tourbillon comique réalisé par Sean Baker qui a remporté les suffrages.

Sean Baker, diplômé de l’Université de New York, où il est né en 1971, a tourné en 2000 un premier film aussi authentique qu’humoristique, sur la psychologie masculine post-adolescence. Ont suivis « Prince of Broadway » , un immigré du Ghana en situation irrégulière, et « Tangerine » une histoire de Smartphones et de prostituées transgenres. Et dans ses films ultérieurs, Sean Baker s’intéresse toujours aux marginaux et au monde du travail du sexe, sans porter aucun jugement.

ANORA, c’est la rencontre d’un réalisateur et d’acteurs qui se sont mutuellement choisis. Sean Baker avait été séduit par Mickey Madison dans « Once upon a time…in Hollywood » avec la diversité de son jeu et son sens de l’humour, et elle-même, qui souhaitait travailler avec lui, s’est entraînée des mois « pour être vraisemblable en danseuse et escort-girl avec l’accent de Broadway ». L’acteur Karen Karagulien marié à une russo-américaine, qui joue Toros, est un ami de longue date du réalisateur, et a joué dans plusieurs de ses films. Quant à l’acteur russe Mark EYYDELSHTEYN, 22 ans, qui joue Ivan, il a été conquis par le réalisateur pour « son humour, son empathie pour ses personnages, sans jugement moral ni condescendance ». Et Sean Baker a aimé la fluidité de son jeu et sa parfaite adaptation au scénario.

Pour se rapprocher de l’esthétique du cinéma des années 70, à contre-courant du cinéma Holllywoodien, Sean BAKER a tourné en 35 mm avec des optiques anamorphiques qui élargissent le champ. Et vous remarquerez son emploi particulier des couleurs et des éclairages.

Le tournage d’ANORA a procuré un grand plaisir à ses protagonistes. En sera-t-il de même pour nous à la projection de ce film, palme d’or 2024 ?

Marion Magnard

La Fleur de Buriti, de Renée Nader Messora et João Salaviza

Ce soir dans le cadre du Festisol, Toiles Emoi a donc choisi de diffuser La fleur de Buriti. Ses deux réalisateurs, Renée Nader Messora et João Salaviza, ont reçu le prix d’ensemble dans la section Un certain Regard au festival de Cannes 2023. Il s’agit de leur seconde récompense à Cannes puisqu’ en 2018, ils avaient déjà eu le prix spécial du jury pour leur premier long métrage Le Chant de la Forêt.

La fleur de Buriti film tourné en pleine présidence bolsonarienne, relate l’histoire des Krahôs, ce peuple autochtone du nord de l’État de Tocantins, situé en limite de la forêt amazonienne. Le film raconte leur terre qui peu à peu disparaît, qui est constamment et littéralement étranglée par les appétits voraces et nihilistes d’un libéralisme teinté de climato scepticisme : ce sont les espèces protégées animales qui sont prélevées illégalement pour divertir quelques uns, ce sont les orpailleurs illégaux qui détruisent leurs terres, ce sont aussi l’évocation dramatique des meurtres, souvent des féminicides, perpétrés par les éleveurs afin de gagner du terrain pour le bétail au détriment d’une forêt qui pour les Krahôs constitue non seulement l’habitat, mais aussi la pharmacologie, la source nutritionnelle principale et le terreau de leurs croyances. Une terre, une forêt en somme qui concentre toute leur vie, tout leur univers avec laquelle ils vivent en symbiose. La Fleur de Buriti est le nom que portait la grand-mère d’un chef du village qui enfant a vu toute sa famille se faire massacrer par les gens des villes et les agriculteurs.

Le buriti c’est un palmier sauvage qui pousse dans la forêt amazonienne. C’est une plante médicinale que les Amérindiens appellent aussi arbre de vie tant ses usages sont variés. Ils mangent ses fruits pour leur grande richesse énergétique, utilisent ses feuilles pour faire les toitures de leurs maisons, tissent ses fibres, soignent leurs blessures cutanées et se protègent du soleil avec son huile.

Outre la symbolique de son titre, le film se veut un genre cinématographique qui s’apparente à un docu fiction humaniste, ainsi … vous n’échapperez pas à la classique voix off du genre.

L’évolution de la lutte du peuple Krahô pour leur terre et les différentes formes de résistance qu’elle prend, est illustrée par 3 moments forts de leur histoire. De la lutte armée des débuts, leur combat se mue progressivement en un combat politique avec la présence de représentants des Krahôs jusque dans les sphères institutionnelles. Ainsi on aperçoit dans le film la militante Sonia Guajajara, farouche opposante de Bolsonaro et qui depuis la récente présidence de Lula est devenue ministre des peuples autochtones.

A cette narration historique vient s’entremêler tout l’imaginaire poétique retranscrit par l’esthétique des images et un rythme très lent qui nous plonge au cœur même de ce peuple.

La genèse de ce film est originale et mérite de s’y attarder un instant. Le casting est tout d’abord composé principalement d’acteurs issus des communautés Krahô. La réalisatrice, Renée NADER MESSORA a mis le 7ème art au service de cette communauté en créant un collectif de jeunes réalisateurs autochtones qui utilisent le cinéma comme outil pour affirmer leur identité culturelle. Ainsi dans Le chant de la forêt, Ies deux réalisateurs avaient construit leur film en expliquant les rudiments de l’utilisation des caméras aux indiens pour les laisser ensuite parler de ce qu’ils voulaient, intervenant uniquement comme des référents techniques.

Pour La Fleur de Buriti, les deux réalisateurs ont poursuivi leur idée, en laissant aux Krahôs le soin non seulement de gérer les aspects techniques comme filmer mais aussi de créer le scénario global, n’intervenant que sur la cohérence et l’écriture.

Maintenant fermons les yeux et enfonçons nous au cœur de la forêt brésilienne !

Doris Orlut